Muscity : Une ville entre sons et lumières.
Qu’est-ce que Muscity ?:
Le monde numérique et le monde réel se mêlent de plus en plus, brouillant toujours davantage la maigre frontière de ces deux univers. Aujourd’hui, nous ne passons que très peu de temps à l’extérieur, et nous ne prenons plus le temps de découvrir le monde qui nous entoure…
Mais prenons le problème à rebours. Faisons redécouvrir un monde extérieur à travers une ville virtuelle où le temps passe infiniment plus vite. En l’espace de quelques minutes, nous poussons l’utilisateur à explorer son environnement, exalter à la fois sa vue, son ouïe et la curiosité. Nous proposons ainsi une expérience à la première personne, dans un environnement dynamique où jeux de lumières et sonores s’enlacent dans une danse temporelle pour transporter un visiteur vagabondant…
Prenez le temps de respirer, d’écouter, de voyager dans une journée… Au rythme des sons de la ville.
Notre projet artistique puise sa source dans un constat simple mais attristant: le monde extérieur est de moins en moins exploré par les habitants de la ville. Bien que la nature ne soit pas à la portée de tous les citadins, ils possèdent néanmoins autour d’eux un environnement exclusif qu’ils prennent rarement le temps d’explorer: la ville. Notre société est à la fois capable d’influer et d’être influée par son environnement. La ville ne fait pas exception à la règle. Au travers de notre œuvre intitulée Muscity, une combinaison entre les mots « music » et « city », nous souhaitons inviter l’utilisateur à observer une ville changeante. Nous sommes originaires d’une ville en banlieue parisienne possédant de multiples visages, qui apparaissent et se fortifient suivant les heures dans un cycle. A midi ou à minuit, la ville est une création protéiforme abritant ses créateurs parfois dépassés. Tantôt pétillante de vie et d’activité, tantôt silencieuse et oppressante, la ville est une source d’émerveillement pour celui qui s’arrête et observe autour de lui.
Un centre-ville foisonnant de vie…
… mais qui revêt un visage bien différent la nuit.
De nombreuses solutions ont été considérées pour rendre la nature changeante de la ville. Dès le début, nous savions que nous voulions voir la ville évoluer du lever au coucher du soleil. Nous avons décidé de déplacer ce cycle au zénith solaire jusqu’au zénith lunaire pour ajouter la dimension mystérieuse, voire oppressante de la ville durant la nuit. C’est ainsi qu’une horloge contenant douze minutes pour représenter douze heures, fut mise en place et représentée par le déplacement du soleil et de la lune dans le ciel.
De plus, les sens accessibles devaient être tous mis au service de l’immersion. Au travers des deux sens dominants que sont l’ouïe et la vue, nous invitons l’utilisateur à nous suivre. Au travers du son d’abord, si caractéristique des villes. Nous y trouvons un panel de sons variant d’heure en heure. Les sons de notre ville virtuelle sont donc évolutifs pour imprégner l’audition de l’utilisateur.
Le centre-ville de Muscity de jour, calme mais regorgeant de sons citadins.
La question de la vue fut plus complexe. Comment investir l’utilisateur visuellement sans le détourner de l’écoute des sons? Nous avions contemplé de nombreuses solutions comme le changement de l’apparence des bâtiments, des arbres ou encore du ciel. Nous avions considéré de plus mettre en place un système d’émotions qui aurait influé notre perception de la ville: là où une personne heureuse peut la voir comme un lieu foisonnant de vie, une personne triste peut la voir comme une prison. Nous avons finalement opté pour un subtil ensemble d’effets sur la caméra pour appuyer sur les sentiments véhiculés mais aussi occulter partiellement la vue de l’utilisateur pour le pousser encore un peu plus à l’écoute.
L’horloge est découpée en douze créneaux différents, chacun avec son jeu de lumières et de sons évolutifs. Nous avons décidé d’observer le lent décalage entre la ville vivante et la ville oppressante. A mesure que la journée avance, un calme presque obituaire se met en place, jusqu’à ce que la ville cède à une atmosphère ténébreuse. Nous mettons ainsi en exergue la nature insignifiante de l’homme dans sa création, mais cela nous permet de placer en contraste l’improbable force vivifiante qu’arrive à amener toute une communauté dans une ville lors de la journée. Nous avons décidé néanmoins de bloquer le passage du temps à partir de minuit, pour insister sur le fait que le temps semble infiniment plus long dans les bras de la nuit. Ainsi, le seul moyen de recommencer une journée est de relancer l’application, donc symboliquement de s’endormir pour se réveiller.
Muscity vue de nuit, où lumières obscures et sons fantomatiques rendent la ville oppressante.
Nous pourrons noter enfin l’absence totale d’entité de vivante dans la ville en dehors du joueur. Ce choix a été fait, encore une fois, pour pousser l’utilisateur à l’observation et à l’écoute plus qu’à la distraction que pourrait engendrer d’autres humains.
En conclusion, nous espérons faire prendre conscience à ceux qui explore notre ville de la richesse aussi bien visuelle que sonore que nous avons produite dans les villes. Nous espérons pouvoir les pousser à quitter leur ordinateur et partir explorer l’espace urbain qui les entoure. Ils pourraient aussi prendre conscience de la ville comme une pièce : deux faces diamétralement opposées mais qui se complètent. Mais nous souhaitons aussi les pousser à réfléchir autour de la nature même de la ville, comme un espace mené à la vie par des centaines d’autres vies, celle de l’utilisateur inclue.
Public visé :
Les habitants des grandes villes, les personnes sortant peu et passant du temps devant l’ordinateur, toute personne souhaitant redécouvrir son environnement.
Choix des technologies :
Nous souhaitions initialement utiliser une combinaison entre un casque de réalité augmentée et un casque de musique. Pour une facilité d’utilisation par le plus grand nombre, nous avons décidé cependant de n’utiliser qu’un ordinateur et un casque. L’utilisateur est capable de découvrir la ville en utilisant le clavier de l’ordinateur.
L’implémentation du projet fut effectuée avec Unity3D, un environnement de programmation offrant une facilité d’utilisation certaine et donc nous permettant de nous concentrer avant tout sur l’immersion dans l’environnement et la recherche artistique autour du son et des lumières. Les scripts supplémentaires ont été produits avec le langage C# 3.5.
Listes Inspirations :
- Tomek Jarolim, pour ses conseils critiques et son point de vue enrichissant sur notre œuvre.
- John Cage, pour son œuvre 4’33’’ qui nous à pousser à réfléchir autour de la nature du son. En effet, sa mélodie du piano est composée de « 4 minutes 33 de silence », mais dont la véritable mélodie est composée des sons environnants que les auditeurs entendent lorsque 4’33 » est interprété.
- Pauline Oliveros, pour son travail autour du Deep Listening qui motiva notre intention de pousser l’utilisateur à plus écouter que de percevoir les sons.
- Paul Bouigue, étudiant aux Arts & Métiers de paris. Son travail « Ce qui ne peut être vu», pour lequel il cacha des lettres dans Bordeaux avec des adresses de retours. Ainsi, son oeuvre s’interroge sur la volonté des citadins à explorer leurs environnements pour trouver découvrir des secrets. Merci à lui pour ses retours sur notre progression.
- Bridget Riley, pour ses travaux sur le Line-Art qui nous ont inspirés pour la première version de Muscity, lorsque nous avions penser à changer les bâtiments en modèle fil de fer pour réduire encore plus la vision de l’utilisateur à mesure que le temps ne passe.
Bridget Riley et son oeuvre du Line-Art.