Void Draw()
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- 12 Jan 2017
- Ourcq Blanc Back to Portfolio
Du 12 au 19 janvier 2017, Tomek Jarolim investit l’espace de l’Ourcq Blanc, où dialoguent projections et impressions numériques, toutes nées d’un code informatique qui débute toujours par la même formule : « void draw() »
L’exposition
« void draw() ». C’est par cette formule énigmatique, cette incantation numérique qui ne fait pas sens pour qui ne maîtrise pas le langage informatique, que s’exécute chacune des œuvres de Tomek Jarolim. Du moins chacun des codes sources qui servent à créer ces œuvres. La succession de projections numériques et d’impressions digitales qui jalonnent l’espace d’Ourcq Blanc ont toutes ce point commun d’avoir été générées par des lignes de code, qui, dans leur accumulation, créent formes, couleurs et mouvements, parfois à partir d’un matériel déjà existant (Monochromes), parfois ex nihilo (Lignes(), Continuum).
Ce code informatique, Tomek Jarolim le met ici à disposition par l’intermédiaire d’une édition, dans une tentative paradoxale de dévoiler l’arrière-boutique de l’œuvre sur un support qui la rend pourtant insaisissable (à moins d’en recopier bêtement les caractères un à un). Il se révèle alors dans toute la beauté de sa forme : succession de mots, de nombres et de symboles, passages à la ligne et espaces laissés, surgissements de couleurs… Une forme de poésie graphique qui en évoque d’autres (les calligrammes d’Apollinaire, les poèmes spatialistes de Pierre et Ilse Garnier…).
Dans un monde saturé d’images numériques où notre regard, désensibilisé, n’est plus moteur de rien, Tomek Jarolim s’attache, dans une économie de moyens, à revenir aux fondamentaux de la constitution d’une image : le rouge, le vert et le bleu, les trois composantes de la lumière ; le pixel, unité minimale de l’image numérique ; le noir (vide absolu) et le blanc (saturation totale) ; le bit, impulsion électrique et plus petite unité d’information manipulable par une machine numérique.
Par le biais d’installations génératives et immersives et de dispositifs lumineux très simples, pour ne pas dire minimalistes, Tomek Jarolim incite le spectateur à se faire non plus le simple observateur ni même le co-auteur (dans une perspective duchampienne) d’une œuvre en train de se jouer, mais d’être un élément constitutif du processus de production de cette dernière. Car c’est le fonctionnement même de la vision – testée, éprouvée – qui est ici mis en jeu, par l’intermédiaire de phénomènes visuels liés à la réception de la lumière.
En cela, le travail de Tomek Jarolim fait directement référence à l’op art qui, dans les années 1960, s’évertuait à explorer les capacités et les caractéristiques de l’œil humain à travers illusions et jeux optiques. Par l’introduction de légères perturbations au sein de structures géométriques ou par la juxtaposition de couleurs, des artistes comme Vasarely, les membres du Groupe de Recherche en Art Visuel (Julio Le Parc, Horacio Garcia Rossi, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Yraval) ou encore Bridget Riley – dont Tomek Jarolim revendique l’héritage – cherchaient à déclencher des réactions visuelles inhabituelles, des phénomènes d’oscillation, de mouvement, d’éclat de lumière ou de vibration, parfois renforcés par le caractère monumental des œuvres.
C’est exactement ce à quoi s’emploie Tomek Jarolim par le biais du numérique, nous invitant à plonger dans les couleurs informatiques, les mouvements des pixels et des boucles infinies. Ici, une déambulation filmée dans la ville se transforme en une succession de 24 monochromes/seconde, chaque image ayant été réduite à sa valeur colorimétrique moyenne. Là, d’infimes ondulations dans une accumulation de lignes noires et blanches provoquent un scintillement lumineux. Ailleurs, la course accélérée de lignes rouges, vertes et bleues provoquent un phénomène de persistance rétinienne.
Mettant nos sens à l’épreuve des artefacts numériques, ce sont les limites de la réception visuelle que s’attèle à révéler Tomek Jarolim, lorsqu’il met en évidence le décalage manifeste entre ce que la machine – elle aussi faillible – est capable de faire et ce que l’œil humain est capable de percevoir. Mais quelle réalité un phénomène a-t-il dès lors qu’il n’est plus perceptible ? S’ouvre là un gouffre réflexif autour du visible et de l’invisible, de la réalité et de l’apparence, que nous laisserons à d’autres.
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Les œuvres :
Bibliothèque d’images de Babel s’inspire du texte de Jorge Luis Borges La Bibliothèque de Babel tiré de son recueil Fictions : il y est question d’une bibliothèque composée de tous les livres possibles, de toutes les vérités, où tout ce qui est écrit s’y trouverait. Dans cette bibliothèque 2.0, il ne s’agit plus de lire tous les livres du monde, mais d’y trouver toutes les images. Du noir initial au monochrome blanc final, chacune des images numériques possibles composent ensemble le parcours entre les deux extrêmes. L’ordinateur devient l’outil capable de donner à voir ce qui a été, est, et sera, par le simple agencement des pixels selon un algorithme donné.
Continuum est une proposition spécifique pour l’exposition « Void draw() ». Cette projection interactive et digitale tente d’entrer dans la composition de la synthèse additive des couleurs. Entre captation des mouvements, mutation chromatique, transformation et destruction, un dialogue se créé entre le regard et l’image en perpétuelle évolution. Clin d’œil à l’œuvre du même nom de Bridget Riley – sa plus grande peinture, aussitôt détruite parce que jugée trop littérale – Continuum est également un hommage à l’op art, qui depuis les années 1960, tente de faire de l’œil le moteur de la perception artistique en exploitant la capacité singulière (et si fragile) de regarder ce qui est, mais aussi ce qui n’est qu’impression.
Invisibles est un diptyque de flickers aux rythmes répétitifs, de pulsations entre les pixels cassés. En éclatant le blanc de la lumière des pixels, les couleurs s’accrochent, les lumières se mélangent, l’œil se brouille. Le résultat de ce voyage est l’enjeu même du projet : voir, sans aucune image imposée, ce qui peut se passer entre le noir et le blanc, entre la lumière et notre rétine, entre l’infini de nos yeux et la finitude des pixels. Invisibles est un questionnement sur l’image et sa saturation : la couleur et le pixel, dans leurs formes les plus pures, permettent de rouvrir les yeux sur une image à ressentir.
Lignes() est une installation dont les images – projetées en boucle – sont générées en temps réel. Sur le fond noir de l’écran, une ligne défile. D’abord rouge, puis vert, puis bleu. Une succession des trois couleurs primaires de la lumière. Le rythme accélérant, les couleurs se mélangent pour ne faire qu’une : le blanc théorique de la saturation des teintes. Mais la machine a aussi ses failles, puisqu’elle ne parvient qu’à des illusions colorées, des mirages visuels où se mêlent autant les limites de la machine que celles de nos yeux. Des lignes qui se brisent, devant le pénible blanc d’une machine surpuissante, mais ô combien faillible.
Lux est une application qui tente de déplacer les modes d’utilisation – et de perception – de l’image sur un smartphone : considérant l’appareil comme une source lumineuse, il devient une torche numérique pleine de pixels. Chaque mouvement éclate la lumière davantage pour mieux déborder d’un écran devenu le prisme incertain pour un regardeur sensible.
Série de cartes postales : impressions laser générées par ordinateur, 13cm × 10cm, 2016.
Monochromes est une série de vidéos-promenades dans la ville. Elles sont proposées aux visiteurs non comme des témoignages visuels d’un parcours, mais comme une séquence de 24 monochromes par seconde, où chaque image est réduite à sa valeur colorimétrique moyenne. Chacun peut y projeter sa propre histoire ou simplement expérimenter les effets des lumières colorées qui viennent taper la rétine. De ces voyages découlent alors des mosaïques étranges et abstraites, souvenirs de paysages ou de voyages dont le récit ne saurait donner l’émotion éprouvée par la couleur.
Roygbiv+xml est un diptyque composé de données des types spectraux et des étoiles visibles depuis la terre à l’œil nu. Envisagées comme de véritables « annuaires » de données stellaires, ces images permettent de contenir sur un format défini l’immensité et la diversité des étoiles. Couchées sur papier, les informations sont réduites par leur support. En résultent des formes inattendues – monochrome gris illisible, listings absurdes, spectres infinis et lumineux – dans lesquelles on ne cherche plus une information, mais plutôt une expérience contemplative, semblable à celle ressentie les étoiles qu’elles tentent d’évoquer.
Tomek Jarolim :
Diplômé de l’Institut universitaire de technologie en génie informatique et de l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, Tomek Jarolim est artiste plasticien et designer d’interaction. Ses installations interrogent tant le statut du regardeur que le regardable lui-même, à travers une recherche sur la lumière numérique et la couleur du pixel.
Commissariat :
Thomas Lapointe
Informations :
Ourcq Blanc
29 rue de l’Ourcq – 75019
Métro : Ourcq (L.5) et Crimée (L.7)
Bus : 60. Arrêts : Ourcq – Jean Jaurès
Entrée libre