Rapport #04

Ça y est, nous avons enfin joué Cartridge Music de John Cage avec Nick Collins. Samplers, cordes de basses, jouets, pédales, j’ai joué avec mon vieux lecteur cassette. Toute cette préparation pour treize minutes et l’on passe à autre chose : Rain Forest de Tudor. Je me sens un peu frustré par le survol de ce que l’on a joué, et même pas enregistré. Je suppose que cela fait partie de l’exercice : Play et Avance rapide.

Bref.

J’ai l’impression de ne pas beaucoup travailler. Au final, il n’y a qu’avec Jon Cates que l’on parle de projets et qu’on cherche des pistes, des buts. Il me renvoie à mes questions sur l’effacement ou l’absence, en me rappelant notamment mes points de départ : le monochrome noir de Rauschenberg et le monochrome blanc de Malevitch. Je continue donc à m’aventurer dans cette voie-là. Même si aucun projet n’est vraiment amorcé, les idées grandissent, et ça rassure un peu.

Peut-être que cette impression est aussi accentuée par le fait de n’avoir que deux jours de cours par semaine, et de passer mon temps à découvrir des choses, parler avec les gens et manger des English Muffins.

Cette semaine, je suis sorti du cours de Webart à 23h. Non pas parce que je travaillais d’arrache pied, mais juste parce que j’y ai parlé avec Dimitrius pendant des heures. Il m’a raconté son pays dont il est amoureux, la Grèce, alors que je lui parlais de la France (et légèrement de la Pologne). Romanesque et optimiste, il m’a fait l’éloge de son pays en soulignant à quel point il se sentait européen ici. Son point de vue tranché et politique sur l’Europe et les Etats-Unis diffère considérablement du mien : peut-être est-ce sa manière de beaucoup trop comparer les deux sur tous les points, pourtant incomparables sur pas mal de choses. Quoi qu’il en soit, je me dégage de la discussion avec l’impression de ne rien avoir à dire sur le sujet.

Un English Muffin et une nuit plus tard…

Après une longue marche sur The Magnificent Mile (et le tentateur Apple Store), j’ai enfin réussi à trouver le Musuem of Comtemporary Art : au sommaire, une immense exposition de Gordon Matta-Clark assez impressionnante, puis une collection permanente très bien fournie. Je suis épaté par toutes ces pièces et leur parfait agencement et leur diversité. Vidéo de Bruce Nauman, sculpture de Matthew Barney ou photographies récentes de jeunes artistes (dont un de mon âge), j’ai l’impression de vraiment voir des choses qui traversent l’art contemporain pour de vrai. Au centre des préoccupations, beaucoup d’artistes américains renvoient à la situation d’autosuffisance du pays, ou comment le pays est parfois considéré comme la planète à lui tout seul. Je suis assez étonné de voir à quel point cette question semble intéresser les artistes. J’avais d’ailleurs remarqué cet intérêt à l’exposition Here There Everywhere au Cultural Center.

J’entre dans la boutique du musée, où règne une atmosphère cool mais très tendance, avec un fond sonore de Björk dans l’air. Dans les rayons, des disques de la très bonne et renommée collection Fabric Live. Cela me fait sourire et me rappelle le Palais de Tokyo et ses disques de Modeselektor et Ellen Allien.

Après des recherches sur Ryoji Ikeda et Dumb Type avec le vendeur, démarre une très longue discussion sur l’art européen et américain. La conclusion étant que les superstars de l’art contemporain ne sont pas les mêmes sur les deux territoires. Épouser Björk n’aura pas fait de Matthew Barney la star incontournable qu’il est ici.

Après un passage à Reckless Records (et donc des nouveaux Cds) je rentre. Ayant oublié ma clé, je fais face à la dure loi de la sécurité aux Etats-Unis : je dois monter avec le gardien après lui avoir donné mon nom et attendre qu’un autre nous rejoigne pour ouvrir, après maintes et maintes vérifications. Une demi-heure plus tard, je suis chez moi donc.

Un repas à Chilis plus tard, et le ventre lourd, je crois que c’est l’après-midi où je vis l’un de mes plus beaux moments Chicagoan : Breathtaking ! Au sommet du Hancock Building, la ville nous observe 400 mètres plus bas. Je me rends compte que Chicago est sans fin. Je peux même observer le coucher de soleil sur l’ouest de la ville. C’est la première fois que j’en vois un. Celui-ci est non seulement surnaturel, mais il laisse place à un quadrillage de lumières et même un feu d’artifice sur la rivière ! Je reste assis devant le spectacle, sans pouvoir décrocher les yeux. Chicago vu du ciel en somme…

La semaine me paraît très courte. À peine commencée, je suis déjà assis à la raconter dans ce rapport. Cela fait maintenant un mois et demi que nous sommes à Chicago. Beaucoup de choses deviennent ordinaires. On s’habitue. Pourtant, chaque semaine, plein de choses viennent encore nous surprendre : un hélicoptère entre les immeubles, les émissions de télés de la ABC où l’on peut voir les coulisses de North State Avenue, les nouveaux parfums de Fanta, la voisine qui nous apporte des Cookies maison, le Rootbeer, les milliards de nouvelles réponses à « What’s up », et Chicago vu d’en haut.

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